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Sant Joan

Jason: Alors Josiane, tu fais quoi pour la Sant Joan? Ca va être la teuf, des pétards partout. Tout le monde va faire des barbecues avec des potes ou sortir de la ville et aller à la plage. Ou coincer une petite quelque part. C quoi ton plan?

Josiane: J’ai pas de plans de prévu. Je devais partir sur la côte avec des amis mais ils ont annulé à la dernière minute. Les autres potes préfèrent éviter le bruit. Donc bilan j’ai personne avec qui célébrer. Comme d’hab.

Carla (avec une petite voix): Ben tu as moi quand même?

Jason (sans l’écouter): Ah ouais c’est la loose. T’as vraiment pas de chance. Nous, on va faire la teuf jusqu’au bout de la nuit. Je t’invite pas, hein, c’est plutôt un truc entre couilles.

Josiane: De toute façon, personne ne m’aime. Je suis tout le temps seule dans ces célébrations de merde pendant que le reste du monde baise ou fait la fête. Il y a un truc qui tourne pas rond chez moi.

Jason: Allez, c’est reparti pour un tour. T’en as pas marre de geindre comme çà tout le temps? Faut pas s’étonner que personne veuille te baiser si tu ressors cette rengaine à chaque fois. Les mecx n’aiment pas les chieuses. Et toi, t’as la palme.

Josiane: Tu crois que tu m’aides, là? Je fais de mon mieux honnêtement. Mais entre les potes qui annulent à la dernière minute, les mecs Tindr qui sont 1 heure en retard aux rencarts ou veulent venir direct chez toi pour te baiser sans savoir ton prénom et l’autre connard de Nairobi qui me promet des virtual dates et puis ne donne plus signe de vie pendant une semaine parce que l’Internet déconne, j’ai vraiment l’impression d’être la dernière des connes.

Jason: Tu es la dernière des connes. Tu cours après des gars comme moi parce que tu as toujours pas réglé tes daddy issues, ma chérie. Mais t’inquiètes, si tu dépenses toute ta thune en thérapie, peut-être dans 20 ans tu t’en sortiras… Ah d’ailleurs, comment çà va niveau thunes? J’ai entendu dire que tu t’étais faite virer. Pas cool. Surtout en ce moment. Ça va être chaud patate de trouver des revenus dans le contexte actuel. Tu pouvais pas fermer un peu ta gueule, non? Toujours à la ramener, toujours à vouloir faire la maligne. Ben, vas-y maintenant, chérie, tu peux danser et chanter tout l’été.

Josiane: Je sais, je me fais tout le temps dégager de partout. Au début, les gens adorent mon parcours et tout mais après un moment, ils ne supportent plus mon caractère et me dégagent. C’est pas la première fois.

Carla (essayant de se faire entendre): Moi, j’ai un peu peur, vous savez. J’ai un peu peur quand je dors toute seule dans un appartement tout vide. J’ai un peu peur de ne plus avoir de sous. Je me sens un petit peu seule et abandonnée. J’aimerais que quelqu’un vienne me sauver, me prenne dans ses bras et me dise que tout va aller mieux. J’ai un peu peur que rien ne s’arrange jamais, vous me donnez pas trop d’espoir.

Jason: Allez voilà l’autre maintenant avec ses jérémiades! Un sauveur, c’est çà que tu veux? C’est la féministe qui parle, là? Allez mignonne, toughen up! Tu crois que c’est facile pour tout le monde? Non. Alors bas-toi un peu. On peut pas passer sa vie à attendre que quelqu’un prenne soin de nous, on n’est pas des mauviettes non plus. Putain je fais quoi, moi coincé avec ces deux gonzesses de merde… Karma pourri. Allez, je vais aller prendre un verre avec des potes. Je vous laisse déprimer ensemble les louloutes. Enjoy!

Jason sort un moment.

Josiane: Il a pas tort. C’est pas comme çà qu’on va trouver un mec. Les gars, ils aiment pas les meufs needy comme nous. Celles qui sont collées à leur telephone en attendant un message de Dieu sait qui. Ils aiment bien les nanas indépendantes qui n’en ont rien à secouer de rien. Ils leur courent après comme des petits chiens. Nous, ben nous, on est un peu de la vieille came maintenant. On pue trop la déprime et les problèmes. Honnêtement, Netflix et un chat, c’est le mieux qui nous attend.

Carla: Moi j’aimerais quand même pouvoir m’endormir dans les bras de quelqu’un parfois. Me sentir protégée pendant mon sommeil. Savoir que quelqu’un sera là pour moi quoi qu’il arrive.

Josiane: Ouais, un amour inconditionnel, quoi. Oublie chérie. Ça, c’était ta mère et encore. Au bilan, même elle, elle t’a plantée. Personne n’est fiable en ce bas monde. Personne, et surtout pas les hommes. Ils veulent juste te baiser, c’est tout. Et après, ils disparaissent. Tous. Gentiment. Poliment. Mais ils disparaissent. On mourra seules, c’est moi qui te le dit. Regarde ta mère, elle a fini comment? Seule. A se decomposer gentiment dans un appart de merde avant que les pompiers la trouvent. C’est-y pas classe? Ben nous, ce sera pareil, sauf qu’on aura des chats.

Carla: Mais moi, je veux pas çà! Je veux être entourée, tout le temps, par des gens que j’aime. Je veux qu’ils restent avec moi à jamais pour que j’ai moins peur. Moins peur du vide. Moins peur de la solitude. Moins peur de me retrouver toute seule avec vous deux qui vous disputez tout le temps sans même faire attention à moi. J’ai besoin de quelqu’un sinon je vais mourir de peine, comme les orphelins qu’on n’a pas pris dans ses bras.

Jason revient un peu éméché: Alors les grognasses, ça boome? Encore à vous plaindre des hommes qui sont si méchants avec vous? Y en a pas une pour rattraper l’autre.

Josiane: Jason, tu nous fais chier, va régler tes propres daddy issues. C’est pas comme si t’étais le mec fort et independant que tu prétends non plus, hein? Sans le boulot de ton paternel, tu serais rien et tu le sais.

Jason (la prenant par le cou): T’as dit quoi, là, connasse? Tu sais à qui tu parles? Tu sais que je peux te dégager d’ici quand je veux, moi! Sale poufiasse! T’as jamais rien gagné de ta vie et tu viens nous faire des leçons de morale? Allez va te faire foutre, salope!

Il la lâche et Josiane met les mains à son cou, elle ferme les yeux et se met à pleurer.

Jason: Vas-y, jargne connasse, c’est tout ce que tu sais faire.

Carla est muette dans son coin, paralysée, elle essaie de se faire oublier pour que rien ne lui tombe dessus.

Jason marche en furie dans la pièce en hurlant et en balançant tout ce qui lui tombe sous la main.

Jason: Putain, sérieux, allez vous faire foutre, toutes les deux! Sans moi, vous valez rien.

Aurélie rentre dans la pièce. Elle voit Josiane par terre en train de pleurer, Jason en furie, Carla dans un coin immobile comme un lapin devant des phares et la pièce sans dessus dessous. Elle prend Carla dans ses bras.

Aurélie: Mais putain c’est quoi ce bordel? Vous faites quoi, là? Non sérieux, vous voyez pas que cette petite est morte de trouille à cause de vos conneries?

Toi, Jason, ça va? Tu te sens puissant là à tourmenter et à martyriser les meufs qui t’entourent? Ça te donne un boost à ton ego de merde? Et toi, Josiane, au lieu de chialer, tu pourrais pas défendre ta fille, non? Tous les deux, vous êtes des beaux parleurs égocentriques, vous pensez qu’à vos névroses de merde, et vous êtes en train de la détruire à petit feu cette petite. Avec toute votre négativité toxique, vous lui avez défoncé le cerveau. Comment voulez-vous qu’elle se sente jamais en sécurité? Vous avez élevé cet enfant comme un spectateur de votre show dramatique. Entre l’un qui n’arrête pas de juger, de critique et de rabaisser les autres et l’autre qui ne voit que la déprime et le suicide comme alternative viable à la situation de merde dont elle ne veut pas sortir, elle est bien barrée cette petite pour démarrer dans la vie. A part s’occuper de vous et éviter les emmerdes, vous me direz ce qu’elle a appris. A se sacrifier. A ne pas écouter ses peurs. A se consacrer aux autres pour essayer d’aller mieux. A disparaitre et à s’oublier.

Ah belle leçon pour des parents!

Des égoïstes, vous êtes. A régler vos angoisses respectives à coups de cris et d’insultes.

Et elle, elle est là, attrapée, enfermée, sans avoir d’autre choix que d’assister constamment à votre spectacle et de se ronger les sangs en se demandant quand aurait lieu la prochaine crise. On ne peut pas grandir sainement dans ce contexte là. On ne peut pas être calme et rassuré.

Elle ne sait même pas qui elle est, cette petite, ni ce qu’elle veut, tellement elle a peur. Comment voulez-vous qu’elle connecte ses neurones dans un environnement pareil? Pas un moment de calme, pas un momento de répit, il y en a toujours un sur le point de dégoupiller.

Alors maintenant, vous allez la laisser tranquille. Vous allez aller jouer votre tragédie ailleurs, siouplait, on vous a assez entendus les deux relous là. On vous a assez vus, écoutés, rassurés. On a assez répondu à VOS besoins. Maintenant il est temps de répondre aux nôtres. Allez, ouste, du balai.

Jason et Josiane sortent le visage contrit.

S’adressant à Clara.

Viens-là, cariño. Je suis là. Tout va bien se passer. On va se créer un environnement sûr et stable. On va reprendre des forces. On va dormir, bien manger, faire du sport, voir des amis. Il y aura des hauts et des bas, surtout au debut. Ça ne vas pas être facile. Parfois ils reviendront passer la tête un peu mais on les dégagera illico, ne t’inquiète pas.

Et quand on sera plus calme, quand tut e sentiras en sécurité, on se demandera ce que l’on veut faire dans l’avenir. Petit à petit. Pas de pression. On a le temps. Je suis là avec toi et je ne partirai jamais. Je te le promets. Maintenant, viens, on va rentrer à la maison.

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