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Chulo theory

Une des grâces du confinement est de permettre de théoriser des concepts essentiels, souvent confus pour le commun des mortels.


Alors avec l'aide de quelques ami.e.s proches, nous avons ressenti le besoin en ces temps difficiles de préciser pour vous la définition du chulo.


A l'origine, chulo est un mot d'origine espagnole signifiant proxénète.


Selon la RAE (Académie Royale Espagnole), un chulo est aujourd'hui quelqu'un qui parle et agit avec "chuleria". Un arrogant, quoi.


A ne pas confondre avec papichulo, qui toujours selon la RAE est un homme attractif pour son physique, un objet de désir.


Et qui le sait. D'où la traduction approximative à cocky en anglais.


Mais tout cela ne reflète pas la complexité intrinsèque du chulo.


Donc, attardons-nous quelque peu sur son profil psychologique.

Le chulo est beau gosse et il le sait, même s'il fait semblant de l'ignorer.

Avant tout, le chulo ne veut pas vivre comme le commun des mortels. Il recherche la singularité, la différence, l'émotion intense. Il a des goûts affinés et les utilise pour sélectionner ses conquêtes. Il est magnétique et a souvent une cour rapprochée de fidèles qui veulent appartenir à son cercle pour bénéficier de sa chulitude.

Le chulo est un coeur tendre, un romantique, il est généreux avec ceux et celles qu'il aime, il est fidèle en amitié, protecteur, parfois sauveur, il est à la recherche constante du grand amour, de la femme belle et indépendante qui le fera craquer. Cet idéal féminin parfait est tellement difficile à atteindre qu'il enchainera conquêtes sur le chemin sans dévier de sa route et brisera bien des coeurs.

Le chulo est auto suffisant. Il aime être entouré, validé, plébiscité par ses proches mais il aime se penser émotionnellement indépendant. Il peut rester trois semaines seul dans les bois s'il le faut avec sa bite et son couteau. Auto-centré, il se suffit à lui-même. Ses livres, ses hobbys, ses passions lui suffisent et il n'a besoin de personne. D'ailleurs les échanges avec ses conquêtes se centrent avant tout sur sa vie, son passé et ses besoins. Le chulo est macho sans le vouloir, sans le savoir et c'est ce qui le rend dangereux.


Donc en résumé: idéal féminin inatteignable et détachement émotionnel sont les caractéristiques essentielles du chulo. Finalement, le modèle de l'homme dans l'amour romantique patriarcal. Dans le cinéma, la littérature, les modèles de chulos foisonnent, de Zeus à Don Juan, de John Wayne à Rhett Butler, d'Alain Delon à Jean-Paul Belmondo.


Le chulo connait trois moments essentiels dans sa vie:


1. L'éveil du chulo: entre 15 et 30 ans, le chulo découvre son potentiel de séduction. Il voit le désir qu'il éveille. Il est surpris et flatté. Mais il doute de lui. Cette incertitude le rend attachant. Ces doutes et cette fragilité le font encore plus désirable. Les femmes ont envie de le séduire mais aussi de prendre soin de lui. Dans ces jeunes années, la chulitude se veut une réponse à une blessure, une trahison souvent féminine cause de toute insécurité. Cela peut être une mère exigeante ou indifférente, cela peut être une petite amie qui le quitte ou le trompe, un amour non réciproque. Dans tous les cas, il y a une douleur, un rejet, une déconnexion sublimés par de l'indifférence. Le meilleur moyen de ne plus souffrir? Ne pas s'engager émotionnellement. Une distance, une indifférence qui peuvent se transformer en mépris, voire en misogynie non assumée. On pense à Belle du Seigneur, à Montherlant, aux Liaisons Dangereuses et j'en passe. L'indépendance émotionnelle, l'inconsistence, souffler le chaud et le froid, être tendre puis ennuyé est le meilleur moyen de défendre son territoire émotionnel. Et çà marche. Plus il est distant, plus les conquêtes s'alignent. Plus il doute, plus elles se tourmentent. Alors pourquoi agir différemment? Pourquoi être vulnérable et prendre le risque de souffrir à nouveau? Il y a une once de victime, de calimero, de tendre incompris au coeur du chulo qui peut vite l'entraîner vers l'auto-apitoiement.




2. Le tournant du chulo a lieu entre 30 et 40 ans. A ce moment charnière, il peut, après quelques années de vagabondage, trouver une partenaire qui ne l'étouffe pas. Elle ne sera peut-être pas l'idéal romantique de sa jeunesse mais elle est belle, intelligente (#trophywife), et surtout indépendante. Elle n'est pas effrayée par ses hauts et ses bas, elle est stable et elle a des objectifs clairs dans sa vie, elle sait où elle va avec ou sans lui, et çà lui plait. Elle ne dépend pas de lui (cf. Michelle Obama). Alors, soit parce qu'elle tombe enceinte, soit parce qu'elle pose des limites claires, le chulo accepte peu à peu de rentrer dans le rang. Il peut alors devenir père aimant ou développer une carrière brillante de politicien, d'activiste, d'entrepreneur ou d'artiste. Sa partenaire sera son pilier mais ce sera toujours lui qui brillera plus qu'elle. Si cette rencontre n'a pas lieu, le chulo continue sa trentaine avec une amertume grandissante et s'oriente peu à peu vers plus de nihilisme et de détachement.




3. Après 40 ans, le chulo devient un peu pathétique. Il n'a plus la charme de la vingtaine. Il peut encore être bad boy et attirer des jeunettes (cf Vincent Cassel). Mais ses années de gloire sont passées et il le sait. Personne ne peut/veut plus le sauver. S'il a de l'argent, il profitera de son privilège pour conquérir de jeunes dames. Sinon il sombrera dans l'alcool ou toute autre substance / activité qui lui feront oublier le décalage entre sa vie et son rêve.

Le chulo existe dans tous les milieux sociaux, tous les bords politiques, tous les types de caractères. Il revêt de nombreuses facettes.



Voici quelques catégories grossières et sûrement non exhaustives de chulos:

  • Le chulo classique, qui aime les grosses cylindrées, gourmette et chaine en or qui brille, voiture tunée et dolby surround, qui connait toutes les boîtes de la côte et danse le Mia (souvent très bien)

  • Le chulo narcissique, self made man, égotique, fier de sa progression sociale type Ronaldo

  • Le chulo activiste

  • Le chulo entrepreneur social

  • Le chulo aventurier, nomade, humanitaire, reporter, photographe, anticolonialiste intersectionnel avec 3 passeports, qui a déjà eu la malaria et interviewé Kagamé

  • Le chulo romantique, coeur de miel, artiste, émotionnel, poète, musicien, qui joue du piano à ses heures perdues, aime les artistes alternatifs et soutient la rébellion mapuche

  • Le chulo yogi, spirituel, new age, bien foutu, avec des tatouages de Rumi sur ses abdos galbés, qui fait des headstands sur la plage et des retraites d'ayahuasca

  • Le chulo sublimé type Obama, beau gosse, intelligent, subtil, bien habillé, swag

  • Le chulo piège, intraverti, discret, qui semble inoffensif

  • Le chulo féministe, allié

  • Le chulo jeune père (à mixer avec le reste)

  • Le chulo sportif type Florent Manaudou / le chulo prof de ski et/ou plongée

  • Le chulo hipster, bobo, dandy, kiffeur, gourmet, qui porte des marques de niche, esthétique, épicurien, sportif, bons plans stylés

  • Le chulo intello parisien type Beigbeder

  • Le chulo HEC, qui bosse dans la finance ou l'investissement, centre droit, chemises bleues et famille nombreuse

  • Le chulo start-upper ou adrenaline-junkie

  • Le chulo entrepreneur type Steve Jobs ou Elon Musk

  • Le chulo guru type Tony Robbins ou Osho, dominant, violent, égocentrique

  • Le chulo nihiliste, cynique, noir type Houellebecq, Nietzche, ...

  • Le chulo destructeur, type Joaquin Sabina, Hemingway, Mick Jagger, Ozzy Ozbourne, qui kiffe l'intensité, et est conscient de se détruire avec l'alcool et la drogue (et qui peut tourner dégueulasse, pédophile)

Et j'en passe...

Il y a bien sûr des pays plus propices aux chulos, Italie, Liban, Colombie, Vénézuela (Amérique Latine en général), Nigéria, ...



La fidélité du chulo est relative. Addict à la séduction et au besoin de plaire mais aussi grand romantique devant l'éternel, adepte du Yolo mais respectant aussi les valeurs d'amitié, la monogamie du chulo est souvent la norme malgré les apparences.


Pour les femmes, le chulo est attirant à plus d'un titre:

1- Parce qu'il correspond 100% au modèle de l'amour romantique véhiculé par nos livres / films patriarcaux et chansons de reggaeton donc facile de tomber dans le panneau.

2- Parce qu'il déclenche en nous le rôle parfaitement intégré de l'infirmière dévouée. Cette blessure enfouie, cette incompréhension, ce sentiment de trahison éveillent en nous le besoin de voler à son secours. N'est-ce pas ainsi que l'on se fait aimer?

3- Parce que la plupart des femmes ont eu un père chulo. Un père séducteur et/ou indifférent qui demandait un effort terrible pour se faire aimer. Un père consciemment ou inconsciemment macho qu'il fallait amadouer, comprendre, et séduire afin de gagner ses faveurs, son intérêt même passager. D'où un modèle de dépendance affective développé dès l'enfance.




On a donc les ingrédients d'une danse mortelle, d'un jeu infini de chat et de souris. Suis-moi, je te fuis. Fuis-moi, je te suis. L'attraction fatale qui a donné la Tusa à tant de nanas. L'indifférence est pouvoir et le déséquilibre affectif inhérent à toute relation avec un chulo est à la fois addictif et destructeur. Une fois la danse engagée, l'équilibre est impossible à trouver. Et pourtant, on le cherche à tout prix. Parce que quand il aime, il donne tout sans compter. La vie a soudain une autre saveur. On reçoit enfin l'attention attendue pendant autant d'années. C'est la récompense ultime, le shoot d'adrénaline explosif, une intensité telle qu'on ne peut plus l'oublier. On la recherche à l'infini. On peut souffrir des mois pour dix minutes de gloire. Et l'addiction est tenace.


Se désintéresser des chulos demande un effort culturel massif.

Cela demande de repenser nos films, nos musiques, nos clips, nos romans d'amour.

Cela demande de faire un travail sur nous les femmes pour arrêter de courir après l'amour perdu de nos pères.

Cela demande aux chulos un travail d'introspection honnête et complexe, accepter de perdre un pouvoir si injustement acquis. A déconstruire ce jeu de contrôle et de domination.

Cela demande de trouver du charme aux relations équilibrées. Cela demande de repenser l'amour. Rien que çà.






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