Cela m’a pris des années pour accepter mon âme nomade.
Pendant longtemps, trop longtemps, mon entourage m’a donné l’impression d’avoir un problème, d’être une éternelle insatisfaite, de devoir apprendre à rentrer dans le moule.
En 2005, après sept ans de relation, j’ai quitté mon premier copain parce qu’il ne voyait pas combien le voyage comptait pour moi. Quand on est natif d’Ariège, la terre courage, les amis, la famille, ça compte plus que tout. Mais moi, je rêvais de caravane autour de la Méditerranée les enfants en bandoulière. Je l’aimais de tout mon cœur. Mais cela aurait été renoncer à une partie de mon âme. Alors, je suis partie quand même. Six mois à travers l’Asie, seule pour la première fois. Ce fut la naissance de ce blog, pour rassurer mon anxieuse mère. Le début d’une autre vie.
Puis j’ai connu mon autre moitié. J’ai cru que c’était le bon, pour de vrai. Lui aussi aimait prendre des bus déglingués pour Agadès, aller à des fêtes sandinistes au Mexique. Je pensais que le monde nous unirait. Mais finalement le canapé a aussi eu raison de notre relation. La parabole française, les matchs de foot, la régularité des diners entre amis.
Tout ce qui m’étouffe.
Pas facile de partager sa vie quand on a la bougeotte. Surtout quand on est une femme. Beaucoup d’entre nous suivent des hommes qui ont une bonne situation. Eduquées depuis des générations au sacrifice, à mettre le bien-être commun au dessus de la satisfaction individuelle, nous avons appris à apprécier les dîners entre femmes d’expats entre cours de yoga et cercles de lecture. Mais peu d’hommes suivent le même chemin. Combien d’entre vous serez prêts à lâcher un travail, un appart pour partir avec la femme de votre vie ? Certains, sûrement. Mais encore trop peu.
Ou alors nous avons appris à vivre nos désirs, nos ambitions, seules. Conscientes que c’était le prix à payer pour pouvoir vivre notre propre vie.
Une femme libre fait peur. Depuis des siècles. Ne brûlait-on pas certaines d’entre nous pour moins que çà il n’y a pas si longtemps ?
Et puis, nous avons tous été savamment conditionnés, où que ce soit dans le monde, à aspirer à la stabilité financière et immobilière comme pinacle de la sécurité. Quelle sécurité ? Celle de travailler pour une multinationale capitaliste qui nous oubliera à la moindre déconvenue ? Celle où la banque te met dehors de chez toi au premier retard de paiement ?
Prendre des risques semble devenu surhumain.
Et moi, pendant longtemps, j’ai vécu mes aspirations comme une tare. Une soif à assouvir afin de pouvoir accéder à la vie adulte, la vraie.
Aujourd’hui, à bientôt quarante ans, sans appart, sans mari, sans employeur, je n’ai jamais été aussi heureuse. Personne pour me donner des ordres. Personne pour me limiter dans mes aspirations. Personne qui décide de me donner ou non les quelques jours de congé de mon contrat de travail.
Même mes amies les plus proches me disaient que j’allais vite me lasser de ce rythme. Que le voyage était solitaire, qu’il éloignait des amis les plus proches.
C’est fou comme l’on peut projeter ses propres peurs sur les autres en castrant leurs envies.
Cela m’a pris des années pour accepter ma vraie nature. Et enfin je suis en paix.
Oh bien sûr, je suis privilégiée. Je suis blanche, j’ai étudié dans la meilleure école de commerce française, j’ai un passeport européen et ma famille est de classe moyenne.
Mais c’est une explication trop facile.
Nous sommes encore trop nombreux à nous conformer, à accepter les règles docilement, sous prétexte d’un : C’est comme çà, la vie, on fait ce qu’on peut, pas ce qu’on veut. BS.
C’est ce qu’on nous raconte depuis l’enfance pour pouvoir jouir d’une population facile à contrôler.
En réalité, beaucoup peuvent devenir leurs propres patrons, offrir des services uniques, inédits, explorer le monde à leur rythme.
La vie n’est-elle pas une collection d’expériences ?
Alors, ce mois de Juillet, je suis partie explorer la terre des vraies nomades, le Kazakhstan.